Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/22

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yeux, et qui, certes, devaient avoir été gens de bien, pour avoir formé un tel fils. La vieille Jeannette était une fille très-fidèle et très-sûre, chargée de son service personnel. La ruelle, qui s’enfonçait vers le couvent, entre des murs de jardin, était aussi déserte que la place de la Comédie et la façade du café étaient bruyantes et animées. Il était bien rare que quelqu’un nous vît entrer dans le jardin ; et que pouvait-on trouver d’étrange à nous voir chercher là un peu de fraîcheur et de silence en fumant nos cigares ?

Narcisse n’y restait qu’un instant. Actif et riant, toujours occupé de sa nombreuse clientèle, dont il stimulait la dépense par une confiance sans bornes et une habile générosité envers les boute-en-train insolvables, il ne s’asseyait que pour manger, ou plutôt pour me regarder manger ; car il ne vivait que de bière et de café. Il se couchait à deux heures du matin ; à six, il était debout, surveillant les préparatifs de sa journée de débit, qui commençait à neuf heures. Cette vie fatigante ne le préservait pas d’être gras comme un Flamand ; mais, ce qui est plus surprenant, cet embonpoint lymphatique ne l’empêchait pas d’avoir l’esprit et le cœur aussi actifs que le corps.

J’avais commencé mes études. Chaque pas, chaque observation, comme chaque essai scientifique, me conduisaient à penser que Narcisse Pardoux ne s’était pas