Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/239

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se rouvrit, aucun autre pas que le mien ne résonna sur les pavés humides. Je rentrai chez moi à trois heures du matin.

J’avais résolu de ne pas aller interroger Juliette ; mais, dès neuf heures du matin, elle me fit demander. Elle me montra la lettre d’Albany, qui n’était que le résumé échevelé des confidences faites à moi depuis dans le jardin de Narcisse. Elle n’en paraissait nullement émue.

— Voilà de grandes folies et qui font craindre de grandes sottises dans l’avenir, me dit-elle avec le calme du mépris. Ce jeune homme a décidément une pauvre cervelle, et je plains la femme qu’il va épouser.

— Vous croyez donc qu’il l’épousera quand même ?

— Qui l’en empêchera ?

— L’amour qu’il a pour vous peut-être ?

— Peut-être ? Est-ce que vous aussi, mon ami, vous rêvez ?

— J’en aurais le droit ; j’ai fort peu dormi cette nuit ! Mais ne me faites pas de questions. Je me suis engagé, pour trois jours, à garder la neutralité.

— Vous avez eu tort. Cet amour improvisé ne méritait pas tant d’égards.

— N’importe ; attendez trois jours, je vous prie, avant de répondre quoi que ce soit, afin qu’on voie bien que vous avez pris le temps de la réflexion.

— Oh ! par exemple, répondit Juliette avec une cer-