Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/41

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kiosque ; les persiennes étaient baissées, et nous regardions à travers, avec la certitude que rien n’échapperait à nos regards.

L’horloge du petit couvent venait de sonner l’avant-quart, c’est-à-dire les cinq minutes avant l’heure, lorsque nous entendîmes grincer les verrous d’une porte. C’était celle de l’enclos des religieuses qui donnait dans le désert. La ville était bruyante ; les ouvriers allaient à leurs travaux, et on entendait, sur la rivière, les battoirs nombreux des laveuses que cachaient les feuillages de la rive. Mais Narcisse, avec une finesse d’ouïe extraordinaire, distingua le bruit particulier de ces verrous, et me dit :

— Attention ! c’est bien du couvent qu’on vient !

La porte nous était masquée ; mais une femme glissa dans les touffes de sureau qui l’encombraient, s’approcha de la palissade, juste à l’endroit où la lettre était déposée par Albany, et Narcisse Pardoux mit la main sur mon bras, en me disant :

— C’est elle !

— Qui, elle ?

— Elle ! répéta-t-il d’un ton de stupéfaction accablée.

— La personne qui vous intéresse ?

— Moi ? Par exemple ! ça m’est fort égal !

— Alors… qui est celle-ci ?

— Qui ?… qui ? Mademoiselle d’Estorade, vous dis-je.