Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/78

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pas de honte en moi-même, et, si mon humiliation était utile à quelqu’un, je remercierais Dieu de me l’infliger ; mais donner le mauvais exemple, et faire dire que nos couvents cachent des turpitudes, ah ! cela serait odieux. Ayez pitié de moi !

Nous lui fîmes des promesses si sérieuses, Narcisse et moi, que nous parvînmes à la tranquilliser.

— J’espère, lui dit le cafetier, que vous ne me croyez pas votre ennemi ! vous que ma mère et ma sœur aimaient tant, et qui avez fait tant de bien dans votre vie ! Ne soyez pas plus inquiète de mon ami que de moi-même. Je vous réponds de lui. Et à présent, demoiselle Juliette, gardez votre terrain et faites de la bâtisse ce que vous voudrez ; nous n’étions venus ici que pour vous avertir du danger. Ne parlez plus jamais à ce chanteur. Il a une autre maîtresse, il en a vingt autres, il en prend partout, et il ne se soucie d’aucune. Quant à vous, il ne vous aime pas ; il vous tirera de l’argent pour payer ses dettes, et ce sera tout ! Vous verrez que…

— Assez ! assez sur son compte ! dit mademoiselle d’Estorade avec une soudaine fermeté. Ce n’est pas lui qui est en cause, c’est moi seule ! Il faut que je prenne congé de vous. Voici l’heure de nos offices, et votre visite s’est prolongée au delà de la règle du couvent ; mais je veux vous revoir, je veux vous raconter tout ce que vous ignorez de moi. Je le dois, la vérité l’exige… Tenez, ici, cela