Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/118

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que, dans aucune situation de la vie, il n’était possible à une âme comme la tienne de s’égarer ! Laurence rougit et pâlit en écoutant ces paroles ; elle renferma un soupir, et baisa la main de Pauline avec un sentiment de vénération.

— Il est bien vrai, reprit Pauline, que ta condition présente révolte les opinions étroites et intolérantes de toutes les personnes que je vois. Une seule porte dans sa sévérité un reste d’affection et de regret : c’est ma mère. Elle te blâme, il faut bien t’attendre à cela ; mais elle cherche à t’excuser, et l’on voit qu’elle lance sur toi l’anathème avec douleur. Son esprit n’est pas éclairé, tu le sais ; mais son cœur est bon, pauvre femme !

— Comment ferai-je donc pour me faire accueillir ? demanda Laurence.

— Hélas ! répondit Pauline, il serait bien facile de la tromper ; elle est aveugle.

— Aveugle ? Ah ! mon Dieu !

Laurence resta accablée à cette nouvelle ; et, songeant à l’affreuse existence de Pauline, elle la regardait fixement avec l’expression d’une compassion profonde et pourtant comprimée par le respect. Pauline la comprit, et, lui pressant la main avec tendresse, elle lui dit avec une naïveté touchante ;

— Il y a du bien dans tous les maux que Dieu nous envoie. J’ai failli me marier il y a cinq ans ; un an après, ma mère a perdu la vue. Vois, comme il est heureux que je sois restée fille pour la soigner ! si j’avais été mariée, qui sait si je l’aurais pu ? Laurence, pénétrée d’admiration, sentit ses yeux se remplir de larmes.

— Il est évident, dit-elle en souriant à son amie à travers ses pleurs, que tu aurais été distraite par mille