Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/140

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me coiffais pas ainsi de peur d’y perdre trop de temps, et j’en mettais le double.

— Oh ! c’est que, nous autres, répondit Laurence, nous sommes forcées de nous faire belles le plus possible et le plus vite possible.

— Et à quoi cela me servirait-il, à moi ? dit Pauline en laissant tomber ses coudes sur la toilette, et en se regardant au miroir d’un air sombre et désolé.

— Tiens, s’écria Laurence, te voilà encore Phèdre ! Reste comme cela, j’étudie !

Pauline sentit ses yeux se remplir de larmes. Pour que Laurence ne s’en aperçût pas (et c’est ce que Pauline craignait le plus au monde dans cet instant), elle s’enfuit dans une autre pièce et dévora d’amers sanglots. Il y avait de la douleur et de la colère dans son âme, mais elle ne savait pas elle-même pourquoi ces orages s’élevaient en elle. Le soir, Laurence était partie. Pauline avait pleuré en la voyant monter en voiture, et, cette fois, c’était de regret ; car Laurence venait de la faire vivre pendant trente-six heures, et elle pensait avec effroi au lendemain. Elle tomba accablée de fatigue dans son lit, et s’endormit brisée, désirant ne plus s’éveiller. Lorsqu’elle s’éveilla, elle jeta un regard de morne épouvante sur ces murailles qui ne gardaient aucune trace du rêve que Laurence y avait évoqué. Elle se leva lentement, s’assit machinalement devant son miroir, et essaya de refaire ses tresses de la veille. Tout à coup, rappelée à la réalité par le chant de son serin qui s’éveillait dans sa cage, toujours gai, toujours indifférent à la captivité, Pauline se leva, ouvrit la cage, puis la fenêtre, et poussa dehors l’oiseau sédentaire, qui ne voulait pas s’envoler.

— Ah ! tu n’es pas digne de la liberté ! dit-elle en le voyant revenir vers elle aussitôt.