Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/162

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pour avoir l’orbite creusé et le front dévasté avant l’âge ! combien ont paru hommes de génie qui n’étaient que malades !

Mais le charme des paroles captiva Pauline encore plus que la veille. Toutes ces insinuantes flatteries que la femme du monde la plus bornée sait apprécier à leur valeur tombaient dans l’âme aride et flétrie de la pauvre recluse comme une pluie bienfaisante. Son orgueil, trop longtemps privé de satisfactions légitimes, s’épanouissait au souffle dangereux de la séduction, et quelle séduction déplorable ! celle d’un homme parfaitement froid, qui méprisait sa crédulité, et qui voulait en faire un marchepied pour s’élever jusqu’à Laurence.


V

La première personne qui s’aperçut de l’amour insensé de Pauline fut madame S… Elle avait pressenti et deviné, avec l’instinct du génie maternel, le projet et la tactique de Montgenays. Elle n’avait jamais été dupe de son indifférence simulée, et s’était toujours tenue en méfiance de lui, ce qui faisait dire à Montgenays que madame S… était, comme toutes les mères d’artiste, une femme bornée, maussade, fâcheuse au développement de sa fille. Lorsqu’il fit la cour à Pauline, madame S…, emportée par sa sollicitude, craignit que cette ruse n’eût une sorte de succès, et que Laurence lie se sentît piquée d’avoir passé inaperçue devant les yeux d’un homme à la mode. Elle n’eût pas dû croire Laurence accessible à ce petit sentiment ; mais madame S…, au milieu de sa sagesse vraiment supérieure, avait de ces enfantillages de mère qui s’effraye hors de