Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/173

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Lorsqu’elle interrogeait Montgenays, d’un air qu’elle essayait de rendre calme, sur ses fréquentes absences, il lui répondait, s’il était seule avec elle, qu’il avait eu des occupations, des affaires indispensables ; mais, si Laurence était présente, il s’excusait sur la simple fantaisie d’un besoin de solitude ou de distraction.

Un jour, Pauline lui dit devant madame S…, dont la présence assidue lui était un supplice, qu’il devait avoir une passion dans le grand monde, puisqu’il était devenu si rare dans la société des artistes. Montgenays répondit assez brutalement :

— Quand cela serait, je ne vois pas en quoi une personne aussi grave que vous pourrait s’intéresser aux folies d’un jeune homme.

En cet instant, Laurence entrait dans le salon. Au premier regard, elle vit un sourire douloureux et forcé sur le visage de Pauline. La mort était dans son âme. Laurence s’approcha d’elle et posa la main affectueusement sur son épaule. Pauline, ramenée à un sentiment de tendresse par une souffrance qu’en cet instant du moins elle ne pouvait pas imputer à sa rivale, retourna doucement la tête et effleura de ses lèvres la main de Laurence. Elle semblait lui demander pardon de l’avoir haïe et calomniée dans son cœur. Laurence ne comprit ce mouvement qu’à moitié, et appuya sa main plus fortement, en signe de profonde sympathie, sur l’épaule de la pauvre enfant. Alors Pauline, dévorant ses larmes et faisant un nouvel effort :

— J’étais, dit-elle en crispant de nouveau ses traits pour sourire, en train de reprocher à votre ami l’abandon où il vous laisse. »

L’œil scrutateur de Laurence se porta sur Montgenays. Il prit ce regard de sévère équité pour un élan de colère féminine, et, se rapprochant d’elle :