Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/226

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de trouble que ces paroles de Timothée n’en produisirent dans son âme :

— Mon cher seigneur Zacomo, je viens vous présenter les salutations de mon maître Abul-Amet, et vous prier de sa part de vouloir bien acquitter une petite note de deux mille sequins qui vous sera présentée à la fin du mois, c’est-à-dire dans dix jours.

Cette somme était à peu près celle dont M. Spada avait besoin pour acheter sa chère cargaison de Smyrne, et il s’était promis d’en disposer à cet effet, se flattant d’un plus long crédit de la part d’Abul.

— Ne vous étonnez point de cette demande, lui dit Timothée d’un ton léger et feignant de ne point voir sa pâleur ; Abul vous aurait donné, s’il eût été possible, l’année tout entière pour vous acquitter, comme il l’a fait jusqu’ici ; et c’est avec grand regret, je vous jure, qu’un homme aussi obligeant et aussi généreux s’expose à vous causer peut-être une petite contrariété ; mais il se présente pour lui une magnifique affaire à conclure. Un petit bâtiment smyrniote que nous connaissons vient d’apporter une cargaison de soie vierge.

— Oui, j’ai entendu parler de cela, balbutia Spada de plus en plus effrayé.

— L’armateur du smyrniote a appris en entrant dans le port un échec épouvantable arrivé à sa fortune ; il faut qu’il réalise à tout prix quelques fonds et qu’il coure à Corfou, où sont ses entrepôts. Abul, voulant profiter de l’occasion sans abuser de la position du Smyrniote, lui offre deux mille cinq cents sequins de sa cargaison ; c’est une belle affaire pour tous les deux, et qui fait honneur à la loyauté d’Abul, car on dit que le maximum des propositions faites ici au Smyrniote est de deux mille sequins. Abul, ayant la somme excédante à sa disposition, compte sur le billet à ordre que vous