Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/275

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cère et confiant des idées qui le gênaient depuis longtemps.

Sans se donner la peine de feindre beaucoup de désintéressement, car Olivier n’était plus en état de faire de très-clairvoyantes observations, le comte posa sa main sur la sienne, afin d’appeler son attention sur le sens de ses paroles.

— Pensez-vous, lui demanda-t-il, qu’il ne soit pas plus glorieux pour un homme d’ébranler la réputation d’une femme que de la rétablir quand elle a reçu à tort ou à raison de notables échecs ?

— Ma foi ! ce n’est pas mon opinion, dit Olivier. J’aimerais mieux relever un temple que de l’abattre.

— Vous êtes un peu romanesque, dit le comte.

— Je ne m’en défends pas, cela est de mon âge ; et ce qui prouve que les exaltés n’ont pas toujours tort, c’est que Buondelmonte fut récompensé d’une heure d’enthousiasme par dix ans d’amour.

— Lui seul pourrait être juge dans cette question, reprit le comte.

Et il se promena dans la chambre, les mains derrière le dos et le sourcil froncé. Puis, craignant de se laisser deviner, il jeta un regard de côté sur son compagnon. Olivier avait la tête penchée en avant, le coude dans son assiette, et l’ombre de ses cils, abaissés par un doux assoupissement, se dessinait sur ses joues, que la chaleur généreuse du vin colorait d’un rose plus vif qu’à l’ordinaire. Le comte continua de marcher silencieusement dans la chambre jusqu’à ce que le claquement des fouets et les pieds des chevaux eussent annoncé que la calèche était prête. Le vieux domestique d’Olivier vint lui offrir une pelisse fourrée que le jeune homme passa en bâillant et en se frottant les yeux. Il ne s’éveilla tout à fait que pour prendre le bras de Buondelmonte et le