Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’empêcher de le remercier de ce qu’il avait fait pour moi ; et, tout en voulant parler, je me mis à pleurer comme une sotte. Je ne sais pourquoi je n’avais jamais pu me décidera le remercier devant ma tante. Peut-être que ce fut un mauvais sentiment qui me fit attendre un moment où j’étais seule avec lui. Je ne sais pas ce qu’il y avait de coupable à le faire, et cependant je me le suis toujours reproché comme une dissimulation envers lady Mowbray. J’avais espéré, je crois, être moins timide devant une seule personne que devant deux. Mais ce fut encore pis ; je sentis que j’étouffais, et j’eus comme un vertige, car je ne m’aperçus pas que M. Olivier me pressait les mains. Quand je revins à moi, mes mains étaient dans les siennes, et il me dit plusieurs choses que je n’entendis pas. Je sais seulement qu’il me dit en s’en allant : « Ma chère miss Mowbray, je suis touché de votre amitié ; mais, en vérité, il ne faut pas que vous pleuriez pour cette égratignure. » Depuis ce temps, sa conduite envers moi a été toute différente, et il a été d’une bonté et d’une obligeance qui ont achevé de me gagner le cœur. Il me donne des leçons, il corrige mes dessins, il fait de la musique avec moi ; ma tante semble prendre un grand plaisir à nous voir si unis. Elle nous fait monter à cheval ensemble, elle nous force à nous donner la main pour nous raccommoder ; car il arrive souvent que, tout en riant, nous finissons par nous disputer et nous bouder un peu. Moi, j’étais tout à fait à l’aise avec lui, j’étais heureuse, et j’avais la vanité de croire qu’il m’aimait. Il me le disait du moins, et je m’imaginais que, quand on s’aime seulement d’amitié, et qu’on se convient sous les rapports de la fortune et de l’éducation, il est tout simple qu’on se marie ensemble. La conduite de ma tante semblait autoriser en moi cette espérance, et je pensais qu’on me trouvait encore trop jeune pour m’en parler.