Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/58

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gard. Le désespoir l’avait brisé. Il était redevenu vieux, décomposé, effrayant. Son corps semblait paralysé ; sa lèvre contractée essayait un sourire égaré ; son œil était vitreux et terne : ce n’était plus que Lélio, l’ombre d’un amant et d’un prince.

La marquise fit une pause ; puis, avec un sourire sombre, et en se décomposant elle-même comme une ruine qui s’écroule, elle reprit :

— Depuis ce moment, je n’ai pas entendu parler de lui.

La marquise fit une nouvelle pause, plus longue que la première ; mais, avec cette terrible force d’âme que donnent l’effet des longues années, l’amour obstiné de la vie ou l’espoir prochain de la mort, elle redevint gaie, et me dit en souriant :

— Eh bien, croirez-vous désormais à la vertu du xviiie siècle ?

— Madame, lui répondis-je, je n’ai point envie d’en douter ; cependant, si j’étais moins attendri, je vous dirais peut-être que vous fûtes bien avisée de vous faire saigner ce jour-là.

— Misérables hommes ! dit la marquise, vous ne comprenez rien à l’histoire du cœur !