Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/63

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— Sans doute ; c’est connu. Il est inutile de nous attendrir sur l’amitié dans ce moment-ci. Je prévois que ce début solennel tend à m’imposer…

— Écoutez-moi, vous dis-je, Henry ; vous êtes mon ami ; vous vous applaudissez des événements heureux de ma vie, et vous ne vous pardonneriez pas légèrement, je suppose, de m’avoir causé un préjudice, un malheur véritable ?

— Non, sur mon honneur ! Mais de quoi est-il question ?

— Eh bien, Henry, vous faites manquer peut-être mon mariage.

— Allons donc ! quelle folie ! parce que j’ai dit à ma cousine que vous aviez ses lettres, et qu’elle vous les réclame ! Quelle influence lady Lavinia peut-elle exercer sur votre vie, après dix ans d’oubli réciproque ? Avez-vous la fatuité de croire qu’elle ne soit pas consolée de votre infidélité ? Allons donc, Lionel ! c’est par trop de remords ! le mal n’est pas si grand ! il n’a pas été sans remède, croyez-moi bien…

En parlant ainsi, Henry portait nonchalamment la main à sa cravate et jetait un coup d’œil au miroir ; deux actes qui, dans le langage consacré de la pantomime, sont faciles à interpréter.

Cette leçon de modestie, dans la bouche d’un homme plus fat que lui, irrita sir Lionel.

— Je ne me permettrai aucune réflexion sur le compte de lady Lavinia, répondit-il en tâchant de concentrer son amertume. Jamais un sentiment de vanité blessée ne me fera essayer de noircir la réputation d’une femme, n’eussé-je jamais eu d’amour pour elle.

— C’est absolument le cas où je suis, reprit étourdiment sir Henry ; je ne l’ai jamais aimée, et je n’ai jamais été jaloux de ceux qu’elle a pu mieux traiter que moi ;