Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/86

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l’avait été, elle était désormais bien plus séduisante aux yeux de Lionel ; elle était mieux selon ses idées, selon le monde.

Que vous dirai-je ? Au bout d’une heure d’entretien, Lionel avait oublié les dix années qui le séparaient de Lavinia, ou plutôt il avait oublié toute sa vie ; il se croyait auprès d’une femme nouvelle, qu’il aimait pour la première fois ; car le passé lui rappelait Lavinia chagrine, jalouse, exigeante ; il montrait surtout Lionel coupable à ses propres yeux ; et, comme Lavinia comprenait ce que les souvenirs auraient eu pour lui de pénible, elle eut la délicatesse de n’y toucher qu’avec précaution.

Ils se racontèrent mutuellement la vie qui s’était écoulée depuis leur séparation. Lavinia questionnait Lionel sur ses amours nouvelles avec l’impartialité d’une sœur ; elle vantait la beauté de miss Ellis, et s’informait avec intérêt et bienveillance de son caractère et des avantages qu’un tel hymen devait apporter à son ancien ami. De son côté, elle raconta d’une manière brisée, mais piquante et fine, ses voyages, ses amitiés, son mariage avec un vieux lord, son veuvage et l’emploi qu’elle faisait désormais de sa fortune et de sa liberté. Dans tout ce qu’elle disait, il y avait bien un peu d’ironie ; tout en rendant hommage au pouvoir de la raison, un peu d’amertume secrète se montrait contre cette impérieuse puissance, se trahissait sous la forme du badinage. Mais la miséricorde et l’indulgence dominaient dans cette âme dévastée de bonne heure, et lui imprimaient quelque chose de grand qui l’élevait au-dessus de toutes les autres.

Plus d’une heure s’était écoulée. Lionel ne comptait pas les instants ; il s’abandonnait à ses nouvelles impressions avec cette ardeur subite et passagère qui est