Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/99

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passage des ténèbres à la lumière et de la lumière aux ténèbres, tout semblait se mouvoir, s’agiter comme si ces monts s’ébranlaient pour s’écrouler ?

— Je ne vois rien ici que vous, Lavinia, lui dit-il avec force ; je n’entends de voix que la vôtre, je ne respire d’air que votre souffle, je n’ai d’émotion qu’à vous sentir près de moi. Savez-vous bien que je vous aime éperdument ? Oui, vous le savez ; vous l’avez voulu. Eh bien, triomphez s’il en est ainsi. Je suis à vos pieds, je vous demande le pardon et l’oubli du passé, le front dans la poussière ; je vous demande l’avenir, oh ! je vous le demande avec passion, et il faudra bien me l’accorder, Lavinia ; car je vous veux fortement, et j’ai des droits sur vous…

— Des droits ? répondit-elle en lui retirant sa main.

— N’est-ce donc pas un droit, un affreux droit, que le mal que je t’ai fait, Lavinia ? Et, si tu me l’as laissé prendre pour briser ta vie, peux-tu me l’ôter aujourd’hui que je veux la relever et réparer mes crimes ?

On sait tout ce qu’un homme peut dire en pareil cas. Lionel fut plus éloquent que je ne saurais l’être à sa place. Il se monta singulièrement la tête ; et, désespérant de vaincre autrement la résistance de lady Blake, voyant bien, d’ailleurs, qu’en restant au-dessous des soumissions de son rival il lui faisait un avantage trop réel, il s’éleva au même dévouement : il offrit son nom et sa fortune à lady Lavinia.

— Y songez-vous ? lui dit-elle avec émotion. Vous renonceriez à miss Ellis lorsqu’elle vous est promise, lorsque votre mariage est arrêté ?

— Je le ferai, répondit-il. Je ferai une action que le monde trouvera insolente et coupable. Il faudra peut-être la laver dans mon sang, mais je suis prêt à tout pour vous obtenir ; car le plus grand crime de ma vie, c’est