Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/149

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semble fatal. La véritable vie commence où commence le sentiment de la vie, la distinction du plaisir et de la souffrance. Si la plante cherche avec effort et une merveilleuse apparence de discernement les conditions nécessaires à son existence — et cela est prouvé par tous les faits, — nous ne sommes pas autorisés à refuser une âme au végétal. Pour moi, je me définis la vie, le mariage de la matière avec l’esprit. C’est vieux, c’est classique ; ce n’est pas ma faute si on ne me fournit pas une formule plus neuve et aussi vraie. Or, l’esprit existe partout où il fonctionne, si peu que ce soit. L’âme d’une huître est presque aussi élémentaire que celle d’un fucus. C’est une âme pourtant, aussi précieuse ou aussi indifférente au reste de l’univers que la nôtre. Si la nôtre se dissipe et s’éteint avec les fonctions de l’être matériel, nous ne sommes rien de plus que la plante et le mollusque ; si elle est immortelle et progressive, le jour où nous serons anges, le mollusque et la plante seront hommes, car la matière est également progressive et immortelle.

Nous voici loin de la doctrine du jugement