Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/164

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plus utiles aux journaliers sans ouvrage que les terres arables des chartreux. Si leur établissement emploie quelques pauvres diables, c’est parce qu’il ne peut se passer de leur aide. En somme, leurs charités, que je ne nie point, seraient tout aussi bien répandues par de simples particuliers qui n’auraient pas la tête rasée en couronne et porteraient des souliers au lieu de porter des sandales. Le luxe archéologique de leur costume peut encore poser pour le peintre ; voilà tout l’emploi qui lui reste.

En regardant ces beaux figurants s’éloigner et se perdre dans le décor de la chartreuse, je me demandai naturellement quel monde, sublime ou idiot, celui qui nous avait frappés portait sous ce crâne rasé, exposé aux morsures d’un soleil dévorant. Est-il arrivé, celui-là ? A-t-il trouvé dans le cloître une solution à son existence ? Poésie féconde ou anéantissement stérile, s’il possède l’une ou l’autre, il est entré au port ; mais qui de nous voudrait l’y suivre ? Certes ce lieu-ci est un Éden, et l’image divine y est revêtue de sublimité ; mais le catholicisme n’a-t-il pas rompu avec la nature, et n’est-il pas défendu au mystique particulièrement de se plaire à la