Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/119

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tiers, sans en rien distraire pour payer ses services.

C’étaient de pauvres paysans chargés de famille, auxquels il n’eut le courage de rien demander. Il les quitta sans se préoccuper de ce qu’il allait devenir. À force de voir les autres insouciants de son sort, il s’était habitué à faire comme les autres. Déjà misanthrope, il n’avait rien vu et rien connu de bon dans la vie, si ce n’est son Auvergnat ivrogne, qui ne l’avait pas maltraité, mais qui ne l’avait pas non plus récompensé. Il ne faisait pourtant en lui-même aucun reproche à sa mémoire. Cet homme lui avait appris à lire et à écrire tant bien que mal ; plus, un peu de bâton pour se défendre au besoin. Il avait développé sa force physique, son sang-froid dans le danger, son aptitude à la vie ambulante. En marchant seul devant lui, Hilarion croyait qu’un homme courageux, fort et sobre, ne peut pas mourir de faim, même au milieu des égoïstes.

Il se trompait ; il faut un premier capital, si minime qu’il soit. Aucun travail ne peut se passer de l’instrument du travail. Hilarion n’avait pas de quoi acheter la plus mince pacotille. Il ne savait comment utiliser ses mains vides, lorsqu’en pas-