Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dont je vous ai parlé dans la première partie de mon récit, devint le tyran d’Hilarion. L’homme le plus farouche a besoin apparemment d’être dominé par quelque secrète pitié ; pour complaire à Léonce, pour lui procurer des jouets et des habits neufs, pour le soustraire aux moqueries et aux brutalités des autres enfants, en un mot, pour le surveiller et l’avoir toujours près de lui, Hilarion quitta le port et les ballots de Toulon et reprit son ancien état de lutteur, sa vie d’aventures, son maillot à paillettes, son diadème de clinquant et son ancien sobriquet de Coq-en-Bois.

C’est dans cet équipage qu’il travailla un jour, il y a quelque dix ans, sous les yeux de Bellamare que le hasard avait amené à la foire de Beaucaire. La figure sinistre, la voix rauque, la prononciation fantastique du personnage n’alléchèrent certes pas l’impresario, et il ne put qu’admirer la force de son biceps ; mais, le lendemain, comme Bellamare revenait dans un cabriolet de louage, il rencontra sur sa route l’hercule qui s’en allait de son côté, portant Léonce sur ses épaules, Léonce âgé de dix à douze ans, mais trop grand prince pour voyager autrement que sur le dos des autres. Hilarion Coq-