Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/146

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rissable, et d’une santé de fer ; elle était très-dévouée à Bellamare, très-bonne camarade avec nous, se rendant utile ou agréable à tous, mais exploitant un peu tout le monde à l’occasion.

Isabelle Champlein, dite Lucinde, représentait les grandes coquettes. Elle était fort belle, sauf qu’elle avait le nez trop long. Ce nez n’avait jamais pu être engagé à Paris ; une disgrâce physique condamne à la province à perpétuité beaucoup de talents réels. Lucinde n’était pas une personne ordinaire. Elle comprenait ses rôles, elle avait un bel organe, elle disait bien, s’habillait avec luxe et avec goût. Entretenue par un riche propriétaire de vignobles qui, étant marié en Bourgogne, ne pouvait la faire vivre auprès de lui, elle lui était très-fidèle, autant par prudence que par amour de son art et de sa personne. Elle tenait à conserver sa voix pleine, ses belles formes et sa merveilleuse mémoire. Probe et avare, égoïste et froide, elle ne faisait ni bien ni mal aux autres. Son service au théâtre était très-assidu. On n’eut jamais un reproche à lui faire ; mais elle discutait ses arrangements avec âpreté et se faisait payer très-cher.

Nous avions une gentille soubrette, espiègle,