Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sant seule au monde, et, depuis, lors j’ai vécu dans la retraite. Je suis encore en deuil. J’adorais mon père, j’ai juré que, si je me remariais, j’épouserais un artiste, et que je ne me marierais que par amour. J’ai ce droit-là ; j’en ai le moyen, comme on dit vulgairement ; j’ai vingt mille livres de rente, une maison, et tout le bien-être élégant que mon père avait su se créer. Mon mari n’a pas eu le temps de manger ma dot. Je peux donc choisir, et j’ai choisi. C’est à vous de savoir si je suis digne d’être heureuse et capable d’être aimée. Informez-vous, voici sur cette carte mon nom et mon adresse. Je ne crains aucune enquête. Quant à ma personne, il faut que vous la jugiez aussi ; j’ôte mon voile.

À ce mot, sans songer à ma situation, je m’élançai de la causeuse, qui gémit faiblement et qui eût trahi ma présence, si une vive exclamation de Bellamare n’eût couvert ce léger bruit.

— Ah ! madame la comtesse, s’écria-t-il après avoir probablement jeté les yeux sur la carte, vous êtes aussi belle que Laurence est beau, et vous auriez grand tort de douter de votre toute-puissance.