Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/253

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que nous souffrons à l’âge triomphal où l’on on finit avec l’esclavage abhorré du collège, pour s’emparer dune liberté qui ne conduit qu’au malheur, à moins d’un suprême effort ou d’une chance invraisemblable. Celui de nous qui parvient ne fait que son devoir aux yeux des parents qui se sont sacrifiés pour lui ; celui qui, faute d’intelligence et d’énergie, succombe est durement condamné. On fait trop et trop peu pour nous. Il vaudrait mieux donner moins et moins exiger.

Mon père n’était pas homme à me condamner ainsi ; mais je savais ce qu’il souffrirait en me voyant échouer, et je me demandai si je ne ferais pas mon devoir en le dissuadant de sa chimère de déclassement avant que ses espérances fussent plus enracinées. Il était temps encore de lui dire que je ne me sentais pas la vocation qu’il m’avait gratuitement attribuée, que j’avais essayé de parler en public et que je parlais mal, enfin que je préférais l’aider dans son travail et apprendre son état sous sa direction. Certes, j’aurais dû agir ainsi dès cette époque ; mais, d’une part, l’amour me tenait, et avec lui le désir de suivre les pas de mon idole ; de l’autre, le travail manuel, auquel je n’avais pas