Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/270

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fonçait plus avant dans le bourbier de l’humiliation. Je ne trouvais plus en moi la force de la convaincre ; avec sa confiance, la mienne s’était envolée. Elle me traitait d’enfant irrésolu, presque d’enfant menteur ; je me demandais si elle n’avait pas raison, si elle ne voyait pas plus clair en moi que moi-même. Comment écrire ou parler quand on sait que chaque mot donnera prise à un soupçon bien établi et systématiquement raisonné ? Il me sembla que j’étais vis-à-vis d’elle comme j’avais été devant le public, lorsque, à chaque parole glacée de mon débit, je croyais entendre chaque spectateur me répondre : « Mauvais histrion ! tu ne sens rien de ce que tu exprimes ! »

Je ne répondis pas, c’est-à-dire que j’écrivis vingt lettres, trente peut-être, et que je les brûlai toutes. Et, chaque fois que je brûlais, j’étais content, je me disais :

— N’entame pas une lutte où tu seras vaincu. Quand même cette femme t’aimerait assez pour te délivrer de l’effroi d’un mariage disproportionné et pour se donner à toi, elle se reprendra à un moment donné ; elle est la plus forte, parce qu’elle est la plus calme, parce que son rôle prime le tien