Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/61

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de représenter et ceux qu’ils étaient réellement. Je compris tout ce qui me manquait pour être un homme civilisé ; l’amour me suggérait l’ambition de plaire. Je fus presque content de n’avoir pas encore à rencontrer le regard d’Impéria, et, pour ne pas retarder la métamorphose que je m’imposais, je quittai l’estaminet, je divorçai avec le billard, je disparus de la Closerie, je consacrai à mes études de droit et à des études littéraires tout le temps que je ne passais pas au théâtre. Mes amis s’en plaignirent ; ils ne m’avaient jamais vu si sérieux et si rangé.

Enfin, le vendredi arriva. Depuis cinq jours que j’étais certain de la voir de près, de lui parler peut-être, je n’avais pas une seule fois osé prononcer le nom d’Impéria, et, soit hasard, soit indifférence, il n’avait jamais été fait la moindre mention d’elle autour de moi. Phèdre était sur l’affiche, le nom d’Impéria y était aussi ; elle jouait Aricie. J’avais déjà appris à m’habiller convenablement avec ma modeste garde-robe. Je passai une heure à ma toilette ; je me regardai au miroir comme eût fait une femme ; je me demandai cent fois si ma figure, qui avait plu à Bocage et à Constant,