Page:Sand - Promenades autour d un village - 1866.djvu/219

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mettraient, en bourrasque, à ses trousses, et il n’y ferait pas bon.

On est étonné de voir combien les scènes de la nature impressionnent le paysan. Il semblerait qu’elles doivent agir davantage sur l’imagination des habitants des villes, et que l’homme, accoutumé dès son enfance à errer ou à travailler le jour et la nuit dans une même localité, en connaît si bien les détails et les différents aspects, qu’il ne puisse plus y ressentir ni étonnement ni trouble. C’est tout le contraire : le braconnier qui, depuis quarante ans, chasse au collet ou à l’affût, à la nuit tombante, voit les animaux même dont il est le fléau, prendre, dans le crépuscule, des formes effrayantes pour le menacer. Le pêcheur de nuit, le meunier qui vit sur la rivière même, peuplent de fantômes les brouillards argentés par la lune ; l’éleveur de bestiaux qui s’en va lier les bœufs ou conduire les chevaux au pâturage, après la chute du jour ou avant son lever, rencontre dans sa haie, dans son pré, sur ses bêtes même, des êtres inconnus, qui s’évanouissent à son approche, mais qui le menacent en fuyant. Heureuses,