Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nasse, parce qu’ils ont lu et compris les règles de la versification.

M. Z. — N’y en a-t-il pas quelques-uns parmi les compagnons surtout, qui ne connaissent point les règles, qui savent à peine la langue, et chez qui l’instinct poétique se révèle par des éclairs de sentiment et d’enthousiasme ?

M. A. — Oui, et à vous dire le vrai, j’aime mieux ces chansons populaires, avec leurs incorrections, leurs mauvaises rimes, leurs plaisantes césures, mais aussi avec leur naïveté antique, leur cordialité touchante, et leur sainte bonne foi, que tous ces grands alexandrins imités de Victor Hugo ou de Lamartine, qui nous inondent déjà dans les journaux du peuple et dans ces recueils modestement intitulés Poésie sociale…

M. Z. — Pardonnez-moi de vous interrompre. Il y aurait beaucoup à dire sur le titre que vous raillez. Je ne prétends pas (et je pense que le publicateur généreux des Poésies sociales ne le prétend pas non plus) que son recueil de poésies démocratiques soit un traité de réforme sociale. Mais ces poésies bonnes ou mauvaises (vous-même en avez admiré plusieurs, je m’en souviens), peuvent bien prendre leur qualification de la pensée qui domine leur ensemble, et qui affecte le plus profondément l’esprit des écrivains prolétaires. — Vous ne prétendez pas, vous ne voudriez pas prétendre que ces réformes si urgentes, si nécessaires aient occupé beaucoup le cœur ou le cerveau des hommes d’État qui nous dirigent, puisque jusqu’ici ils n’ont trouvé de solution au problème social et à la crise sociale (ce mot vous impatiente, mais il faut bien appeler les choses par leur nom),