Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/114

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hommes qui écrivent de pareilles sentences, si, les retournant contre eux, on leur demandait de quel droit ils se posent en juges, et quelles preuves de sagesse et de raison ils ont faites devant nous, pour se permettre d’imprimer leur opinion ? Non, non ; plus généreux et plus libéral, je leur dirais : Écrivez, messieurs, écrivez tant qu’il vous plaira, tant que vous y trouverez plaisir et profit. Vous serez assez avertis, si les lecteurs vous manquent, et si les libraires vous repoussent. Que si vous vous posez en arbitres et en juges de la lice littéraire, vous pourrez bien, après avoir exclu ceux qui n’en savaient pas si long que vous, trouver des juges plus habiles ou plus sévères qui vous mettront à la porte ; et Dieu nous garde de vous voir perdre la liberté d’être siffles, liberté sainte, à laquelle nous aspirons tous. Rappelez-vous que la fureur de juger est aussi ardente que celle de plaider, témoin Perrin Dandin, de respectable mémoire ; et que le jour où vous interdirez les procès, vous perdrez votre magistrature, à laquelle vous ne tenez pas moins que les mauvais écrivains à leur liberté d’écrire. » Je dis donc (pardon de cette longue digression, mon cher monsieur) que vous faites bien d’encourager les essais littéraires de messieurs les ouvriers ; mais vous avez tort de leur donner plus d’éloges qu’ils n’en méritent, de ne pas les juger froidement et sainement, quand vous arrivez à l’appréciation de leurs œuvres ; de ne pas faire enfin sur leur compte de la vraie et brave critique. C’est les traiter en enfants qu’on veut gâter, et c’est caresser leur amour-propre que de trier, comme vous faites, leurs meilleures pièces pour les accabler d’éloges, passant sous silence leurs défauts, et n’ayant pas un conseil, pas un avertisse-