Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/134

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se soutenir par le travail. Car ce dégoût que la vanité inspire aux prolétaires écrivains, et que vous leur donnez par trop d’indulgence, est le reproche le mieux fondé que je vous aie adressé ce soir ; et il ne me semble pas, mon cher Z., que vous y ayez répondu.

M. Z. — Mon ami, je vous avoue que j’ai éludé la question en vous disant que personne, à ma connaissance, n’a jamais donné à aucun de ces écrivains prolétaires le conseil d’abandonner le travail qui le faisait vivre fort mal et fort tristement (quoiqu’on nous fasse d’étranges pastorales sur l’aisance et la joie que procure en ce temps-ci le travail des bras), pour un travail littéraire qui ne le ferait peut-être pas vivre du tout. Mais ceci n’était, je vous le répète, qu’une manière d’éluder l’attaque, parce que j’aurais, en l’acceptant, beaucoup trop à vous dire. Il faudrait prendre les choses d’un peu loin, pour ne pas vous effaroucher ; et, si vous voulez, nous réserverons cette question principale pour notre prochaine causerie.

M. A. — Vous piquez ma curiosité, et je crois que vous reculez parce que vous avez quelque énormité à me dire.

M. Z. — C’est bien possible ; et puisque vous êtes en train d’accepter beaucoup de témérités de ma part aujourd’hui, je vous prouve que je ne recule pas, en vous déclarant qu’au premier jour où nous nous reverrons, je vous soutiendrai, d’abord, que ce n’est ni un tort, ni un mal que les prolétaires se sentent le courage de chercher la vie intellectuelle au prix des plus grandes souffrances et des plus grands désastres, et que, si je n’y ai pour ma part encouragé aucun de ceux que j’ai rencontrés, c’est par un sentiment de sollicitude trop craintive, par un manque d’enthousiasme