Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/143

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près avoir produit tant de grands peintres, de grands statuaires, de grands architectes, de grands musiciens, le peuple produise encore tout ce qu’il peut enfanter dans un autre genre. Convenez que l’histoire nous présente déjà une induction à cet égard. Rousseau, comme vous le remarquiez vous-même, est sorti du peuple. L’enfantement si pénible de Rousseau, n’est-ce pas l’enfantement de la démocratie ? Avant lui, qui dans le peuple s’occupait de politique, ou du moins qui des enfants du peuple a écrit avant lui sur ces matières ? Mais, depuis lui, combien s’en sont occupés et s’en occupent tous les jours !

M. A. — Il est certain que jadis, pour écrire sur l’histoire ou sur la politique, il fallait appartenir aux classes nobles qui seules avaient part aux affaires publiques. Aussi toutes nos chroniques françaises, à partir du treizième siècle, ont-elles été écrites par des nobles ; c’est Ville-Hardouin, c’est Joinville, c’est Enguerrand de Monstrelet, Froissard, Philippe de Commines, Pierre de l’Étoile, Blaise de Montluc, Duplessis-Mornay, Sully, Tavannes, de Thou, Michel de l’Hospital, Étienne Pasquier. Le sire de Brantôme représente aussi la noblesse cultivant la partie galante de ses annales. La haute bourgeoisie ne commence à s’occuper d’histoire et de politique qu’avec Mézerai, au milieu du dix-septième siècle. Mais la noblesse conserve encore, même au dix-huitième siècle, une certaine supériorité de vues et de génie sur ce point, qui se manifeste par des hommes tels que Montesquieu, le duc de Saint-Simon, Boulainvilliers, et même les deux Mirabeau, le père et le fils.

M. Z. — Oui, mais là je vous arrête. De ces deux Mirabeau, l’un est le disciple du grand économiste