Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/151

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ne pas manquer au respect que je porte au monarque de la littérature du dix-huitième siècle.

M. A. — Vous voilà dans une argumentation dubitative qui ne conclut pas.

M. Z. — Nous pouvons cependant conclure de deux manières, dont je vous laisse le choix : ou que Voltaire n’a pas pris toujours le temps de connaître ce qu’il condamne, ou que Voltaire ne pouvait pas connaître et devait condamner certains génies dont le vol s’écartait de la sphère du sien.

M. A. — Voyons vos preuves quant à maître Adam Billaut. Je doute qu’il vaille la peine de vous avoir pour avocat contre un juge tel que Voltaire ; mais puisque cela vous tient à cœur, je veux entendre votre plaidoyer.

M. Z. — Oui, cela me tient à cœur, comme tout ce qui se rattache à la cause du peuple ; et soyez sûr qu’une telle cause mériterait un autre avocat que moi. Je défendrai le caractère de maître Adam en même temps que son talent ; car ces deux choses sont étroitement liées, et vous avez judicieusement prononcé, en feuilletant son recueil à la hâte (toujours à la manière de votre grand patron), qu’un vil adulateur ne pouvait pas être un grand poète. Vous auriez grandement raison, si maître Adam eût été constamment adonné à la flatterie ; et je vous accorde que ses nombreux hommages aux princes et aux princesses qui le protégeaient, quoique semés de traits heureux, n’ont pas toujours une valeur bien réelle. Ce fut à eux cependant que le pauvre homme dut le grand bruit qu’il fit en France ; et on ne put assez s’émerveiller, à la cour et à la ville, qu’un rude manœuvre eût trouvé l’art de tourner un compliment mieux qu’un bel esprit