Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/192

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certaines pièces, écloses sans aucun doute sous le prisme éclatant de l’école romantique, il y a encore débauche de puissance, excès de couleurs et de détails. L’ensemble y perd, la synthèse en est moins saisissante ; et c’est grand dommage, car cette synthèse est toujours dans la pensée forte et sérieuse de Poncy. Nous lui conseillons donc encore plus d’efforts sur lui-même pour arriver à la sobriété. Mais nous serions bien surpris si une telle imagination avait déjà perdu, à vingt-deux ans, cette exubérance magnifique qui signale le début des maîtres. Pour que la maturité du talent ait assez d’ampleur, il faut que sa jeunesse en ait eu de trop. Heureux défaut que je souhaite à tous les jeunes poëtes, et que, dans leur intérêt, je ne leur conseillerais pas de railler !

Au reste, il y aurait pédantisme à s’arrêter plus longtemps sur ces critiques. Malgré tout notre désir d’être sévère envers ce noble enfant, comme on doit l’être envers tous ceux dont on a le droit d’attendre et d’exiger beaucoup, nous sommes réduit au silence par es ressources étonnantes de son talent naturel. Ainsi es poëtes qui le liront avec l’attention dont il est digne remarqueront cette facile puissance qui lui fait racheter souvent le défaut de proportion de son œuvre par un trait final d’une netteté et d’une concision heureuses. Dans la pièce intitulée Aurore boréale, étourdissante description d’une image toute matérielle, la dernière strophe résume en quelques vers, avec une élévation et une précision remarquables, la pensée jusque-là inaperçue et comme perdue dans la splendeur du spectacle. Si notre poëte a quelquefois, à son insu, la manière excessive de Victor Hugo, il a plus souvent encore la touche nette et juste de ce