Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/295

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Mais je connais le chanvreur ; il ne demande qu’à raconter des histoires, et il ne demeure pas loin d’ici. Nous pouvons bien aller l’inviter à souper ; et, pour n’avoir point broyé depuis longtemps, pour n’avoir point avalé de poussière, il n’en sera que plus disert et de plus longue haleine.

— Eh bien, allons le chercher, dit mon ami, tout réjoui d’avance ; et demain tu écriras son récit pour faire suite, avec la Mare au diable et François le Champi, à une série de contes villageois, que nous intitulerons classiquement les Veillées du Chanvreur.

— Et nous dédierons ce recueil à nos amis prisonniers ; puisqu’il nous est défendu de leur parler politique, nous ne pouvons que leur faire des contes pour les distraire ou les endormir. Je dédie celui-ci en particulier, à Armand…

— Inutile de le nommer, reprit mon ami : on verrait un sens caché dans ton apologue, et on découvrirait là-dessous quelque abominable conspiration. Je sais bien qui tu veux dire, et il le saura bien aussi, lui, sans que tu traces seulement la première lettre de son nom.

Le chanvreur ayant bien soupe, et voyant à sa droite un grand pichet de vin blanc, à sa gauche un pot de tabac pour charger sa pipe à discrétion toute la soirée, nous raconta l’histoire suivante.

Septembre 1848, à Nohant.