Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/351

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

À propos de nous, l’article que nous venons de résumer disait : Il faut être juste envers tout le monde ; nous voudrions l’être envers George Sand… L’intention est bonne, mais le mot est d’une naïveté tant soit peu féroce : Nous voudrions ! il y a là-dessous une casuistique qui n’est pas nouvelle et à laquelle nous ne saurions nous convertir.

La preuve, c’est que nous allons examiner la pensée d’un livre qui diffère beaucoup de la nôtre, et nous n’aurons pas la moindre peine à être juste envers l’auteur. Notre pauvre casuistique si dédaignée nous en fournira très-aisément les moyens.

Nous ne ferons pas l’analyse d’un roman dont le grand charme est l’imprévu. Madelon est dans toutes les mains. Le public lui fait un immense succès, et c’est justice. C’est un des livres les plus attachants que nous connaissions en ce genre. Nous l’avons lu une première fois d’un bout à l’autre, et nos amis nous ayant reproché de l’avoir lu seul, nous le leur avons relu tout haut sans passer une ligne et sans éprouver un moment de fatigue ou d’ennui. Peu de livres supportent une pareille épreuve.

C’est que Madelon est l’œuvre d’un talent véritable. Tout y est brillant, incisif, coloré, saisissant. Ce n’est pas seulement l’esprit qui y coule à pleins bords, c’est aussi l’émotion. Il y a une scène qui nous a paru un chef-d’œuvre : l’inondation qui surprend dans la nuit une maison en fête et qui frappe à la porte du bal comme un coup de canon. Le trouble, l’effroi, la douleur, le tumulte, le péril, le drame général immense, terrible, les détails attendrissants et déchirants, la nature sobrement et largement décrite, suivie pas à pas dans son déchaînement au milieu de cette inextricable