Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/383

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tente de ceux qui croyaient avoir à se passionner pour ou contre un ardent panégyrique. Le foudre et le glaive, symboliques ornements de la couverture, sont tout étonnés de se trouver là sur une prose si sage, si respectueuse envers tous les mérites et si simplement belle par elle-même. C’est la froide limpidité d’une source, mais c’est aussi l’éclat du casque de Minerve que nous préférons de beaucoup à celui du front de Jupiter tonnant.

Dans une organisation aussi savante et aussi compliquée que celle de César, il y a plus d’un aspect à saisir, et tout historien a le droit de s’attacher à celui qui lui semble le plus net, le plus accessible, le plus sûr à dégager. Donc, la haute prudence et la sereine capacité du personnage ont trouvé ici un interprète attentif, sage et particulièrement habile à résumer sa pensée sans en jamais subir l’entraînement. Ce sera la qualité essentielle du livre ; il n’aura pas la qualité opposée, il faut sans doute s’y attendre ; mais il faut aussi savoir prendre les œuvres sérieuses telles qu’elles sont et apprécier la victoire qu’une conviction nette sait remporter sur les émotions qui la sollicitent.

Au point de vue littéraire, l’ouvrage est sans défauts, ce qui ne veut pas dire qu’il soit sans couleur et sans attrait. Tout lecteur indépendant peut bien se laisser faire quand on le parque dans une situation d’esprit où il ne se sent pas enfermé sans moyen de contrôle. Un appel à la raison pratique ne révolte que ceux qui ne veulent jamais faire usage de leur raison, et quand cette raison vient à vous avec aménité et dignité, on peut, on doit écouter avec déférence tout ce qu’elle a à vous dire.