Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/57

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pour ne craindre ni la durée ni le nombre des jours pareils, assez sainte et sérieuse pour demander à Dieu de la bénir, assez dévouée pour compter sur l’avenir. L’union d’Indiana et de Ralph, qu’est-ce autre chose que l’amour dans le mariage ?

Dans Valentine, des idées pareilles se retrouvent en présence. Seulement le rôle de ces idées est changé, l’égoïsme prudent et réfléchi est représenté par la Loi. L’enthousiasme aveugle et l’emportement effréné appartiennent à la jeunesse ambitieuse, inexpérimentée. Le cœur d’une femme peut hésiter longtemps entre ces caractères si opposés : il peut prolonger sa défense et céder lentement le terrain qui lui reste. Mais, pour peu que l’un des deux adversaires qui se disputent la proie s’avilisse aux yeux de son juge, la victoire ne sera pas longtemps indécise. Tant que la Loi était représentée par un caractère pur, si odieux et si glacé qu’il fût, le devoir pouvait sembler auguste, la lutte était glorieuse ; avec l’avilissement de la personne, le mépris et l’oubli du devoir commencent. Alors la chute est inévitable. Quand Valentine se donne à Bénédict, elle n’a plus à choisir qu’entre Dieu et lui. La spoliation à laquelle elle se résigne lui rend la liberté ; elle n’a plus à compter qu’avec elle-même. Sa faiblesse ou sa résistance n’engage plus l’honneur de personne. Elle s’appartient, elle peut se donner. Sa défense, en se prolongeant, ne serait plus qu’un calcul d’égoïsme ou de vanité. En présence des tortures endurées pour elle par un amant résigné, ce ne serait plus du courage, ce serait de la lâcheté.

Avant la publication de Lélia, ces explications pouvaient sembler surabondantes. Personne encore n’a-