Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/87

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regards, et vous verrez s’épanouir à vos pieds toutes fraîches et brillantes la foule des fleurs des champs.

» Ainsi au moment où, dit-on, la poésie ne trouve plus que des oreilles distraites, où la politique envahit nos salons, où les plus aimés de nos poètes se taisent ou délaissent la pensée pour l’action, la lyre pour la tribune, n’est-ce pas un fait à remarquer que l’apparition de cet essaim chantant de jeunes filles surgi tout à coup des rangs populaires : Élisa Mercœur, qui, en s’élançant dans la carrière, heurta si tôt contre la tombe ; Élise Moreau, Louise Crombach, Antoinette Quarré, Marie Carpantier enfin, dont les premiers essais m’ont inspiré un intérêt que je voudrais faire partager au public. »

Ce ne sont pas là, je le répète, les seuls poëtes prolétaires dont nous avons connaissance. Il en est un dont nous avons lu des vers qui ne rappellent pas, comme font peut-être ceux des auteurs que nous venons de citer, la lecture de modèles, des vers doués d’individualité, d’originalité intime et profonde. Si la profession qu’il exerce, celle d’ouvrier en vidanges, faisait reculer d’horreur certains oisifs, nous leur dirions que, dans l’enfer de Rabelais, la belle reine Cléopâtre est laveuse de vaisselle. La société actuelle ressemble un peu à cet enfer, puisqu’un homme comme M. Poncy (c’est le nom de cet ouvrier), capable d’écrire des vers que signeraient Victor Hugo et Lamartine, et qui ont le mérite de n’être pas une imitation de leur école, a été, par le hasard de sa naissance, livré à cette profession.

Lyon, la grande ville des ouvriers, a aussi ses poëtes, canuts et autres, que nous ferons peut-être connaître un jour.