Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/17

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d’éclairer le peuple sur ses devoirs autant que sur ses droits. Quelques-uns, les premiers surtout, n’ont été que le cri d’une âme fortement impressionnée, atteinte parfois de doute et de découragement ; peu pressée de conclure parce qu’elle craignait d’avoir à maudire l’humanité, qu’elle éprouvait le besoin d’aimer. Peu à peu la lumière s’est faite dans ce chaos d’émotions diverses à mesure que l’âge y amenait la réflexion. Mes instincts avaient toujours été révolutionnaires, en ce sens que l’injustice était un spectacle antipathique pour ma nature, et qu’un immense besoin, d’équité chrétienne avait rempli ma vie dès mon plus jeune âge ; mais la confiance dans mes instincts ne m’est venue que peu à peu avec la certitude que le progrès est la loi vitale de l’humanité, et à mesure que je sentais ce progrès s’opérer en moi-même. Qui se sent vivre, sent et saisit la vie dans les autres ; et cette vie des autres vient alimenter et étendre la sienne propre. Je suis donc arrivée, sans grands efforts et sans fortes études, à cet état de lucidité dans la conviction où peut arriver toute âme sincère, sans qu’il lui soit besoin d’une trempe supérieure. Ce que je suis, tout le monde peut l’être ; ce que je vois, tout le monde peut le voir ; ce que j’espère, tout le monde peut y arriver. Il ne s’agit que d’aimer la vérité, et je crois que tout le monde sent le besoin de la trouver.

Je n’ai point révélé de vérité nouvelle dans mes ouvrages. Je n’y ai jamais songé, bien qu’on m’ait accusé, avec une ironie de mauvaise foi, d’avoir voulu, comme tant d’autres, jouer à la doctrine et à la secte. J’ai examiné autant que j’ai pu les idées que soulevaient, autour de nous tous, les hommes de mon temps. J’ai chéri celles qui m’ont semblé généreuses