Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/348

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faire la liste des mutuelles persécutions et des mutuels égorgements qui sont le véritable festin d’Atrides de l’histoire, on serait épouvanté de voir une moitié de la race humaine, dans les pays relativement les plus civilisés du monde, occupée à torturer, à ruiner, à poursuivre, à massacrer l’autre moitié, sans que ces meurtres et ces vengeances aboutissent à assurer le triomphe durable d’un seul homme. L’odieux moyen est donc usé jusqu’à la corde, et aussi puéril que repoussant. Il n’a jamais servi qu’à faire surgir de nouvelles luttes, et, en somme, à obscurcir les idées que l’on doit se faire du progrès, car il est impossible de ne pas s’intéresser aux victimes ; et quand même elles représentent une idée qui n’est pas la notre, le jour où elles souffrent et saignent, le cœur de l’homme, qui n’est pas moins digne de compter que son esprit, souffre et saigne profondément aussi. Sortons donc de cette politique de haine qui met en contradiction notre cœur et notre jugement. Nous ne serons vraiment des hommes, nous ne saurons faire une vraie société que le jour où nous pourrons proclamer l’accord de la logique, de la conscience et des entrailles.

Juin 1863.