Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/370

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tendre plus longuement sur celles qui ont eu plus d’aventures

C’est, en effet, une suite d’aventures que nous révèle ici l’existence intellectuelle du poëte, les premières impressions de sa vie, l’influence des milieux qu’il dut traverser, les variations politiques de sa première jeunesse, la bonne foi de ses premières aspirations vers un Lut social et littéraire éclos en lui-même au jour le jour. Rien de plus discret, de plus touchant et de plus saintement voilé que l’histoire de sa première affection et de son mariage. Madame Hugo, dont l’esprit est jeune et franc, raconte tout ce qui est de la vie publique de son mari avec l’entrain et la liberté de cœur d’un brave et aimable garçon. Dès qu’elle touche à sa vie privée, on la sent redevenir femme ; aussi aimable et aussi brave, mais tendrement discrète et comme jalouse de cacher son orgueil et son bonheur dans un doux rayonnement de sérénité modeste. C’est une digne femme, on le voit, on le sent et on l’aime à chaque page, à chaque ligne. Le livre est bien d’elle, il n’y a pas à s’y tromper. Il a cette sobriété de développements et cette netteté de résumés qui trahit la mère de famille occupée avant tout de ses devoirs de tous les jours, n’écrivant qu’à ses rares moments de loisir ou de repos, avec une conscience calme, un esprit de synthèse puisé dans les nobles habitudes d’un rare bon sens, enfin avec cette grâce saine et douce dont le sens maternel et féminin est incontestable. Celte couleur sobre n’empêche pas la force et l’esprit. Le livre est gai, car il amuse d’un bout à l’autre. Il est fort, car il prouve tout ce qu’il veut prouver.

Et ce qu’il prouve, c’est que les grands génies ne sont pas des malades ou des monstres, comme cer-