Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/163

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chire l’épaisseur des ténèbres. La bataille a été livrée. Les combattante sont épuisés de fatigue ; ils quittent l’arène enveloppés de poussière et de fumée ; ils cherchent le repos dans une sorte d’oubli ; trop d’émotions, d’ailleurs, se sont produites en eux pour qu’ils soient juges du fait accompli. Mais le fait subsiste. Le sol est couvert de sang et de débris ; il faudra bien revenir demain pour recueillir les dépouilles et ensevelir les morts. Alors chacun rassemblera ses souvenirs, chacun dira ce qu’il a fait, ce qu’il a vu ; les récits contradictoires se croiseront dans une nouvelle mêlée des esprits, aussi ardente, aussi confuse que celle des armes. Des préjugés naîtront, des calomnies se répandront : l’un dira trop, l’autre trop peu. Mais encore un jour, et le vent balayera les vapeurs, la soleil éclairera la scène, l’histoire viendra, et le fait revivra tout entier. Les morts eux-mêmes ressusciteront pour se confesser ou se justifier. Les ossements glorieux foulés aux pieds seront portés dans les temples, qui, à leur tour, rendront au vent, des cendres consacrées par l’idolâtrie. Telle est l’auguste mission de l’histoire. Quiconque porte la main au burin sacré doit frissonner d’enthousiasme et d’épouvante.

De tous les faits qui ont soulevé des tourbillons de poussière, à rendre aveugles les témoins les plus lucides, des concerts d’imprécations à rendre sourds les auditeurs les plus recueillis, il ne s’en est jamais produit de comparable à celui de notre révolution. Quel choc immense que celui d’une société qui s’é-