Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/164

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croule ! Quel affreux pêle-mêle de débris ! Combien de victimes précipitées les unes sur les autres et mêlant leur sang au fond de l’abîme !

Et pourtant une bataille, un combat véritable, auquel tout à l’heure je comparais ce combat de la société, présente un ensemble bientôt saisi, un résultat facile à définir, malgré la diversité infinie des combinaisons et l’imprévu des événements. C’est que là, si c’est pour une idée qu’on a tiré le canon et fait marcher des hommes, cette idée est une. Elle se présente toute résumée, toute acceptée ; elle est déjà incarnée dans le fait. Dans une crise sociale comme la Révolution, l’idée est multiple, elle prend tous les aspects, toutes les nuances, elle s’incarne sous autant de formes qu’il y a de rôles à jouer et de coups à porter.

Il ne s’agira donc pas seulement, pour que l’histoire devienne possible, de recueillir des faits et de dresser des enquêtes. Il s’agira de dégager les idées, de les connaître, de les saisir, de les faire sortir du chaos de l’interprétation, et, pour que le rôle de chaque idée soit assigné à son véritable représentant, il faut que la génération qui accomplira ce travail soit elle-même en rapport direct avec les idées dont ces événements furent l’expression.

L’homme qui sentira le plus intimement le génie qui préside à de telles révolutions sera donc celui qui les racontera le mieux. Il devinera au besoin la nature d’un fait douteux, s’il en comprend bien la cause et la portée, car l’histoire n’est pas seulement un récit,