Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/181

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Mais, quel que soit le sentiment religieux ou la fatalité que chacun de nous porte dans cette appréciation, avouons que le spectacle est grand et qu’il mérite d’être compris et jugé par la postérité, comme une de ces crises de développement soudain qui marquent les phases suprêmes de l’histoire de l’homme sur la terre. Étudier et comprendre cet événement immense, c’est presque acquérir et enseigner une philosophie ; car, à quelque point de vue que l’on se place, il faut toujours reconnaître que cet événement nous a engendrés intellectuellement, moralement et physiologiquement, que c’est par lui que nous sommes ce que nous sommes, et que, sans lui, nous aurions peut-être encore aujourd’hui l’inconnu devant nous.

Il n’en est plus ainsi. La Révolution a créé une logique dans le monde. Nous savons maintenant pourquoi les sociétés existent, à quelles fins elles tendent, quel but elles doivent atteindre. Nous savons comment elles se transforment, et pourquoi des efforts grandioses triomphent ou avortent, selon que la passion étouffe ou respecte l’idée, selon que l’idée fait taire ou parler le sentiment humain. Il y a de tout cela dans la Révolution. Des volontés d’une puissance admirable, d’immenses erreurs, des aspirations infinies, des égarements déplorables. C’est véritablement le livre du destin des temps modernes. Là, on peut étudier à fond la loi de vie de l’humanité, voir de quels éléments elle se compose, comment il faut entendre la justice fictive et la justice vraie, où sont les limites que la conscience ne peut franchir impunément ; quels