Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/240

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coule dans les veines du corps social ; car tous les premiers vous y succomberez pécuniairement. Le pauvre sait souffrir et attendre. Il se passera plutôt de travail et de pain, que vous ne vous passerez de luxe et d’aisance. Il a la vertu du désespoir, vous n’aurez pas celle de la résignation.

Vous avez vu cette vertu, cette grandeur du peuple ; et, comme il vous est impossible de les nier, vous motivez votre répugnance à proclamer son droit, sur la crainte qu’il ne soit communiste. Hélas ! non, le peuple n’est pas communiste ; et cependant la France est appelée à l’être avant un siècle. Le communisme dans le peuple, c’est l’infiniment petite minorité : or vous savez que, si les majorités ont la vérité du présent, les minorités ont celles de l’avenir. C’est pourquoi il faut témoigner aux minorités de l’estime, du respect et leur donner de la liberté. Si on leur en refuse, elles deviennent hostiles, elles peuvent devenir dangereuses, on est réduit à les contenir par la force, elles subissent le martyre ou exercent des vengeances.

Le martyre tue moralement ceux qui l’infligent, comme la vengeance tue physiquement ceux qui la subissent. Laissez donc vivre en paix le communisme ; car il vivra encore plus vite dans la guerre, et vous n’inspirerez de sagesse, de mesure et de patience à ses adeptes qu’en ne leur refusant pas la liberté de présenter leurs théories. Si elles sont folles et injustes, soyez tranquilles, le bon sens pratique du peuple les laissera tomber en souriant, comme il a laissé tomber la royauté ; si elles sont bonnes et applicables par