Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/306

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jamais eu un mot pour nous, et, dans la discussion des articles de la Constitution, d’où dépendait notre sort, vous n’avez pas eu une parole à dire, pas une inspiration, pas un élan, pas un cri du cœur ; vous avez laissé croire que vous étiez incapable. Eugène Cavaignac, vous êtes jugé ! vous avez cru tenir dans la majorité de l’Assemblée la majorité de la nation. Eh bien, vous allez voir que vous vous êtes trompé, et que le peuple n’abdique pas sa souveraineté en la déléguant. Restez avec les vôtres. Nous proclamons l’élu de notre fantaisie, un étranger, un inconnu, pour rendre votre défaite plus sensible et plus mémorable. »

Ce raisonnement, les prolétaires socialistes des grands centres, ceux-là qui savent assez bien ce qu’ils font, l’ont posé à M. Ledru-Rollin en lui annonçant qu’ils votaient pour Louis Bonaparte en haine de Cavaignac, et, dans les campagnes, la grande masse des prolétaires agricoles a fait de même sans bien s’en rendre compte. Elle s’est vengée d’une République bourgeoise qui l’a leurrée de belles promesses, et qui n’a trouvé pour planche de salut que l’impôt sur le pauvre. Quand on lui disait que cet impôt était de l’invention d’un partisan de Louis Bonaparte ; « C’est possible, répondait le paysan ; mais Louis Bonaparte n’a pas encore fait de mal, puisqu’il n’était rien, et nous voulons essayer de celui-là. » En repoussant le favori de l’Assemblée, le peuple protestait non contre la République dont il a besoin, mais contre celle que l’Assemblée lui a faite.