Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/315

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de l’opinion à ceux qui croient vous plaire en faisant le mal.

Tous les jours, le mal s’accomplit sous vos yeux. Vous laissez faire. Il le faut bien, direz-vous, ou il faut détruire Tordre que nous respectons, que nous chérissons. Eh ! sans porter la moindre atteinte à cet ordre que vous ne voulez modifier que par la légalité, n’avez-vous pas mille moyens de faire savoir le vœu de votre moralité politique, le jugement de votre conscience ? Hier, vos mandataires décrétaient la proscription des princes, pêle-mêle avec celle des prolétaires exilés sans jugement. Aujourd’hui, on travaille dans l’ombre à donner la mort à des condamnés auxquels la loi a fait grâce de la vie. Demain, que fera-t-on encore ? Que ne fera-t-on pas si on ne pressent pas en vous une opposition morale, une autorité de la conscience publique supérieure à celle du fait ?

Et vous, président de la République, vous qui fûtes victime aussi de la raison d’État, vous qui deviez tout au nom de celui qui mourut du supplice de Prométhée, sur le rocher de Sainte-Hélène, n’aurez-vous pas aussi une parole d’équité, un mouvement de réprobation, en présence d’un crime semblable qui va s’accomplir sous votre responsabilité ? Les têtes qu’on veut briser sont moins illustres peut-être, mais elles sont chères au peuple, elles sont sacrées du moment que la loi s’est interdit le droit de les livrer au bourreau. Fussent-elles coupables, c’est encore un crime, c’est encore un mensonge que de faire subir la peine de la déportation dans des conditions certaines de