Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/323

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rage de lion. Oui, oui ! ici tout est vite effacé. Le dévouement ennoblit tout. Tenez ! la mort vole sur nos têtes : tous, nous l’attendons de pied ferme, et ceux qu’elle emportera laisseront un nom purifié par le feu.

Enfants ? vous avez raison. Hier, vous étiez des hommes comme les autres, c’est-à-dire peu de chose ; aujourd’hui, vous voilà bénis, relevés, et le dernier d’entre vous est déjà mille fois plus que l’indifférent qui se croise les bras et qui raille.

Devant une guerre qui n’a pour but qu’une vaine gloire, il est permis au philosophe de dire, en voyant partir les jeunes soldats :

— Voilà les victimes de l’orgueil et de l’ambition !

Mais ici, ce n’est plus possible : c’est une guerre sainte, et tout soldat devient un confesseur de la foi nouvelle. Qu’il comprenne ou non sa mission à l’heure du départ, il la remplira, parce qu’il est de cette race qu’en un instant la lutte électrise, la vérité éclaire et l’enthousiasme sanctifie.

Comme je me disais cela, mes yeux tombèrent sur une petite plante que j’avais arrachée dans les sentiers du Piémont, il y a quatre ans, et qui a bien voulu prendre racine et revivre chez moi. Elle abonde dans les sables rouges du littoral génois. Elle est en fleur aujourd’hui, et elle est de la couleur sanguinolente des terrains qui l’ont produite. C’est le sérapias cordigère. Sa corolle présente la forme d’un cœur, en effet ; un cœur sanglant comme celui de la pauvre Italie. Elle y croît sans culture. Nos soldats vont la