Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/339

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lève à lui-même, comme elle lui fait paraître frivoles les grands intérêts et les bons raisonnements de la veille ! Le peuple aime le merveilleux, cela est certain. Et il ne songe pas que le merveilleux par excellence, l’inouï, le fabuleux, c’est lui-même en de certains jours, c’est le spectacle qu’il présente, lorsqu’il se jette en avant, corps et biens, après avoir toujours cru qu’il était sage et bon de rester en arrière.

Mais à ce pauvre peuple endormi qui doit, bon gré mal gré, souffrir autant que ceux qui pensent et qui veulent, il faut des initiateurs ; Dieu le sait, et il lui en envoie. Il a ses élus pour cette mission du miracle, ceux que les antiques bibles appellent des anges, ceux que l’empereur Charlemagne appelait ses Missi Dominici. Le monde moderne n’a plus de noms appropriés à cette tâche extraordinaire, et Garibaldi a reçu le titre vague et ondoyant d’aventurier.

Soit, si, par là, on désigne l’homme des actions épiques et des initiatives surnaturelles. Qu’il accepte son renom fantastique ! Ce généralat de légende lui est acquis, puisque l’opinion, si libérale en fait de calomnie et si méfiante pour les bons, ne prête le bien qu’aux riches, et encore aux très riches. Mais, si l’on entendait par aventurier l’aveugle et brutal officier de fortune qui vend sa bravoure au plus offrant, on ferait injure à un des caractères les plus fermes et les plus purs des temps modernes. Assez de témoignages se sont élevés en sa faveur dans ces derniers jours, pour que cette noble figure ait déjà repris la place qui lui appartient dans l’histoire, et il deviendrait