Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/360

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recueillerons-nous de ces immenses désastres ? L’héroïsme du soldat est une ivresse : il a fait le sacrifice de sa vie, il n’est plus dans les conditions normales de la vie. Le soldat français surtout a cette prodigieuse surexcitation que ses ennemis même reconnaissent et admirent. Maïs, au lendemain des combats homériques, les nations armées, palpitantes, exaltées, se retrouvent-elles tout à coup dans les conditions de raisonnement et de prévoyance qui empêcheraient à jamais le retour de ces atroces étreintes avec la mort ?

Peut-on concevoir la pensée de détruire une race au profit de l’autre ? Le mal que nous font nos ennemis, ne retombe-t-il pas sur eux-mêmes, par la loi absolue de la solidarité humaine ? « Pas un Prussien, disent les belliqueux purs, ne sortira de France ! » Si nous étions chez eux, ils diraient de nous la même chose. Qu’en dit là haut le Dieu des armées ? Encore une fois, pauvre famille humaine ! et ajoutons : pauvre Dieu, que celui qui est investi par les hommes du devoir de tuer le plus d’hommes possible !

Oui, mon ami, je suis plongée dans la douleur à la veille des batailles décisives ; je le serai encore le lendemain, quelle que soit l’issue. Elle ne peut être que fatale à tous, à moins d’un grand réveil de l’esprit public, qui est plus à espérer pour la race latine que pour les autres. L’esprit germanique, en particulier, bien plus étendu dans un sens que le nôtre, semble absorbé dans une passivité sociale qui exclut ou paralyse le sens pratique. Nous ne pouvons pas, nous,