Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/56

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de grandes routes pour nos sabots ! Ça n’est pas la charrue, ni la voiture, ni les bœufs, ni le cheval, ni même l’âne du journalier qui défoncent les routes et creusent les ornières. Le journalier n’a rien de tout çà. Une petite traquette bien droite lui sert mieux. C’est le propriétaire, c’est le fermier, c’est celui qui a des récoltes à serrer, des bestiaux à conduire en foire qui réclament pour les chemins et qui nous y font conduire et remuer de la pierre. Et encore s’ils étaient contents ! Mais ils ne le sont point, ils sont toujours à se disputer, à se tromper et à se jalouser pour savoir par où passera le chemin. « Je le veux devant mon domaine, dit l’un. — Je le veux tout droit sur mon moulin, dit l’autre. — S’il ne traverse pas le village, disent les autres, nous savons bien pour qui nous ne voterons plus. » Ah ! c’est une comédie, et une belle, je vous en réponds, que de les voir se disputer ce pauvre chemin ! J’ai à la maison un vieux bouquin bien drôle qui me fait toujours rire quand j’ai du souci, et qui fait rire mêmement M. le curé quand je lui en raconte quelque fadaise, sans qu’il sache toutefois d’où ça sort ; car ce livre est peu dévot quoiqu’il soit à ce qu’on dit d’un ancien curé de Meudon. Dans ce livre-là, il y a une histoire de chemins, toute bâtie sur des jeux de mots. « J’entends toujours dire (que l’auteur dit, dit-il) qu’un tel a pris le grand chemin de Bourges, ou la route de Tours, ou telle autre route. Je ne savais pas qu’on pouvait voler les chemins. » Eh bien, par ma foi, on lui prouverait bien, au jour d’aujourd’hui, à ce brave M. l’abbé Rabelais,