Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/118

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cela meurt de sa belle mort sans qu’il y porte la main.

Pourtant, l’idée chrétienne subsiste, trop belle pour être souillée. Plus le peuple se détache du dogme, plus il se rallie à la doctrine. Sans aucun doute, depuis ces derniers temps d’officielle indifférence en matière de religion, le christianisme est entré dans une nouvelle phase de vie, et le clergé s’y est trompé. Il a cru ressaisir sa puissance, et il n’a pas vu qu’elle était factice. Il n’a pas compris que l’image du crucifié le couvrait comme une égide, et que le temps était passé de prêcher au nom du crucifié l’abnégation de l’intelligence humaine, la résignation stupide, l’ignorance et la misère comme le devoir du pauvre devant l’omnipotence du riche. Donc, on se trompe en ne voyant pas que le dogme, qui, jadis, a servi à propager l’idée pour des générations ignorantes, étouffe depuis longtemps l’idée au sein de l’Église, à mesure que les générations s’éclairent.

Ayons le courage de le reconnaître, il n’est plus besoin du dogme, du moins de ce qu’on appelait autrefois le dogme, c’est-à-dire de la mythologie merveilleuse nécessaire aux peuples naïfs. Nous avons moins d’imagination que nos ancêtres, cela est certain ; mais nous avons plus de raison, et le sens moral de l’idée est une base beaucoup plus solide que le symbole merveilleux. Nous ne sommes plus dévots, mais nous sommes religieux plus que nous ne l’avons jamais été. Laissons donc végéter sur notre sol de la liberté cette vieille forme catholique, que l’esprit de Jésus a quittée depuis longtemps. Cet esprit vraiment divin est